Documents Gaboury

Décédé le 29 août 2021 – 108 ans
Légion d’honneur
IR

Extraits de Envols N° 289 – Juin 2016

D’un naturel curieux et cherchant toujours à comprendre le pourquoi du comment, Francis apprend à lire et à écrire, mais ne passe pas le CEP lors de ses études primaires. Il fréquente alors l’école libre…

A 12 ans, Francis quitte l’école et devient domestique de ferme : plus tard il travaille avec son père charron. L’hiver les soirées sont longues, Francis n’aime pas fréquenter les bistrots, aussi s’adresse-t-il à son ancien maître d’école pour prendre des cours du soir. Celui-ci refuse. N’admettant pas de rester sur un échec le jeune homme sollicite l’instituteur de l’école laïque qui accepte. C’est ainsi que l’’enseignant de l’école libre, apprenant que Francis va prendre des cours du soir avec l’instituteur de l’école laïque, consent à son tour, à condition que d’autres camarades participent pour constituer un groupe. C’est de cette manière que, tous les jours de la semaine, Francis profitera des cours du soir donnés dans les deux établissements scolaires.

Peu de temps après avoir été libéré de son service militaire, Francis est rappelé : à la mobilisation, la guerre est déclarée.

En juin 1940, à la débâcle, un gros dictionnaire (7kg) en deux volumes se retrouve sur son chemin, abandonné par une population en exodes. Ces volumineux ouvrages, encombrant la route, sont l’objet de coups de pied. Francis, pour qui ces livres renferment le savoir, ne peut s’empêcher de les récupérer. Fait prisonnier, il ne se sépare jamais du précieux dictionnaire, qui devient utile aussi aux autres détenus, pour la rédaction de leurs courriers.

Le 1er avril 1942 il s’évade avec un camarade rencontré pendant la débâcle. Il est alors contraint d’abandonner son dictionnaire sur place. Repris à peine une semaine plus tard, il est arrêté et dirigé sur le camp de Rawa Ruska. Il tombe très malade et croit ne jamais revoir les siens…

Dans le camp se côtoient toutes les catégories socioprofessionnelles, prisonniers instruits comme illettrés. Francis demande à un officier français qui donne déjà des cours à quatre ou cinq, s’il ne pourrait pas se joindre au groupe. « Eux ne savent ni lire ni écrire » répond le professeur. Mais Francis, déterminés, recrute quelques autres camarades volontaires comme lui. C’est ainsi qu’il bénéficiera avec eux de cours donnés par ce gradé. En 1943 est organisé l’examen de certificat d’études. Après un tel parcours, depuis les cours du soir de l’adolescent, jusqu’à l’enseignement reçu pendant sa détention, en passant par le trésor de savoir renfermé dans le dictionnaire et protégé avec obstination jusqu’au dernier moment, la détermination de Francis porte ses fruits : il est reçu.

A la fin de la guerre, de retour dans sa famille, Francis aura l’agréable surprise de recevoir son fameux diplôme : ce CEP validé par l’inspecteur d’Académie d’Ille et Vilaine : Monsieur Coué, le 15 juin 1945.

Autre bonne surprise : les deux gros volumes du dictionnaire sont là, adressés par le gardien autrichien, un homme bon et généreux. Par la suite, les deux hommes se reverront et tisseront de forts liens d’amitié