La Croix-Rouge et Rawa Ruska

La Croix-Rouge et Rawa-Ruska

Nous rassemblons ici les extraits de correspondances entre l’UNDRR et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), exposant comment cette institution a été informée de l’existence du camp et le résultat des missions qu’elle a pu y conduire, ainsi que dans quelques-uns des sous-camps qui y étaient rattachés.

Comment le CICR a été informé de l’existence du camp de Rawa-Ruska

 

Extrait d’une lettre adressée, le 16 mai 1961, par le Comité International de la Croix-Rouge au Secrétaire général de la Section de Provence de l’Amicale  » Ceux de Rawa Ruska  » :

De nouvelles recherches ont en effet été entreprises entre temps dans nos archives, afin de répondre à la question que vous nous avez posée. Il en résulte que l’existence du Stalag 325 de Rawa Ruska a été communiquée en mars 1942 à notre délégation à Berlin, par la Mission Scapini. Le chef de notre délégation en Allemagne a aussitôt adressé une demande de visite aux autorités allemandes qui n’ont officiellement notifié l’ouverture de ce camp qu’au début de juin 1942.

Après avoir tout d’abord promis que ce camp pourrait être prochainement visité, les autorités allemandes ont ensuite déclaré que nos délégués devaient remettre leur voyage en Pologne à plus tard. C’est ce qui explique que la première visite n’ait eu lieu qu’en août 1942.

On ne peut donc pas conclure de ce qui précède que nous n’avons pas été informés à temps de l’ouverture de ce camp, ni que les autorités allemandes nous en ont positivement refusé l’accès. Mais le moins qu’on puisse dire est qu’un délai important s’est déroulé entre notre demande (mars) et la visite (août) , et qu’en dépit de démarches réitérées de notre part, la Puissance détentrice a donné l’impression de vouloir retarder autant qu’il était possible le moment où nos délégués pourraient pénétrer dans ce camp et prendre un contact direct avec les prisonniers.

Visites du CICR a Rawa-Ruska, Lemberg (Lwow), Tarnopol et Stryj

 

Extrait d’une lettre adressée, le 11 janvier 1961 par le Comité International de la Croix Rouge au Secrétaire Général de la Section de Provence de l’Amicale  » Ceux de Rawa Ruska « .

« … Il résulte des recherches auxquelles nous nous sommes livrés dans nos archives que le Frontstalag 325, Rawa Ruska, a été visité le 16 août 1942 par les délégués du Comité International de la Croix Rouge. Une nouvelle visite a eu lieu le 7 février 1943 après le transfert du Frontstalag 325 de Rawa-Ruska à la  » Zitadelle  » de Lwow (Lemberg). Le camp  » Zitadelle  » de Lwow (Lemberg) a été visité à nouveau le 25 août 1943. En outre, les camps annexes (Zweiglager) de Tarnopol et de Stryj dépendant tous deux du Stalag 325 ont été visités respectivement le 8 février 1943 et le 27 août 1943… «

La visite des délégués du CICR à Rawa-Ruska en 1942

COMITE INTERNATIONAL DE LA CROIX-ROUGE
Genève, le 7 février 1961
JPM/HWr ex 210 (13)

Monsieur le Secrétaire Général,

Nous avons l’honneur d’accuser réception de votre lettre du 14 janvier 1961.
Pour répondre à votre demande, nous tirons les extraits suivants du rapport concernant la visite du Fronstalag 325, Rawa-Ruska, par les délégués du Comité international de la Croix-Rouge, le 16 août 1942 :
» Ce Frontstalag 325 Rawa-Ruska reçoit tous les prisonniers de guerre français et belges évadés et repris, ainsi que les prisonniers considérés comme fortes têtes et les sous-officiers de ces deux nationalités réfractaires au travail. Ces derniers doivent être en principe transférés ensuite sur le Fronstalag 169, Kobjerzyn.
Le Frontstalag a été ouvert le 13 avril 1942…  »
Les délégués ont résumé l’entretien sans témoin qu’ils ont eu avec les hommes de confiance français et belge, avec l’aumônier en chef et avec les médecins, en énumérant tous les points contenus dans leur rapport. Nous reproduisons ci-après cette énumération :

» 1) Ecuries inhabitables pour des prisonniers ; elles ne devront en aucun cas être utilisées en hiver étant dépourvues de lumière, de chauffage, d’eau, de latrines, et pleines de vermine.
2) Un bloc sans électricité.
3) Bat-flanc moins confortables que les couchettes ordinaires.
4) Manque de couvertures.
5) Etat vestimentaire déplorable, au camp et dans les détachements : manque de sous-vêtements, de pantalons, de capotes, de chaussures.
6) Pull-overs, linge de corps, chaussures personnelles retirés dans les camps d’Allemagne, sans  » reçus « , donc impossibles à récupérer.
7) Alimentation insuffisante, aux dires des prisonniers, due au fait surtout que les envois  » Croix-Rouge  » sont rares ; alimentation notamment insuffisante pour les travailleurs.
8) Gamelles retirées ; un grand nombre de prisonniers ne savent pas où mettre leur nourriture.
9) Hygiène mauvaise, locaux non désinfectés, vermine.
10) Douches rares, irrégulières.
11) Eau non potable ; une seule bouche à eau pour l’ensemble du camp. Ce qui est nettement insuffisant ; la pénurie d’eau entretient la vermine.
12) Le savon donné exclusivement à l’infirmerie, à la cuisine et aux magasins, depuis le 10 juin 1942.
13) Trop nombreux membres du personnel sanitaire inoccupés au camp.
14) L’infirmerie est privée de lumière à partir de 21h15, alors que la cuisine reste toute illuminée.
15) Etat de santé général précaire, vu l’insuffisance de la nourriture ; cas d’avitaminoses.
16) Impossible de radiographier les malades. Les cas à radioscopier doivent attendre très longtemps avant d’être vus.
17) Instruments à disposition des médecins, inexistants ; médicaments rares.
18) Les cas graves à l’hôpital civil de Rawa Ruska, malgré les bons soins, ne sont pas du tout bien nourris.
19) Service dentaire pour ainsi dire inexistant, le dentiste ne dispose que de quelques instruments.
20) Baraquement des contagieux trop petit.
21) Les médecins désireraient sortir avec les membres du personnel sanitaire.
22) Les fouilles imposées aux médecins sont effectuées sans égards pour leur grade.
23) Les  » DU  » (inaptes au service) séjournent au camp sans qu’il soit question de les rapatrier.
24) Les médecins et les membres du personnel sanitaire n’ont touché ni solde, ni salaire.
25) Détachements dépourvus de prêtres.
26) Manque de jeux, d’articles de sport, d’instruments de musique.
27) Les Lorrains et les Alsaciens ne sont pas autorisés à recevoir des colis de Lorraine ou d’Alsace.
28) Certains articles, tels que chaussures, espadrilles, chaussons, linge de corps, chemises kaki retirés des colis individuels.
29) Nourriture insuffisante dans les détachements de travail.
30) Certains sous-officiers devraient se trouver au Frontstalag 169.
31) Salaires pas encore distribués, nulle part. Aucun argent au camp.
32) Absence de cantine.
33) Nombreux cas de brutalités : le procédé de frapper au moyen des armes les prisonniers récalcitrants est admis par le Commandant du Camp.
34) L’homme de confiance (français et belge) désirerait visiter les détachements de travail en compagnie d’un aumônier, ces détachements étant perdus au loin et uniquement entre les mains des sentinelles.
35) Les prisonniers nous signalent enfin les conditions dans lesquelles ils ont été rassemblés avant d’être envoyés à Rawa Ruska, ainsi que les circonstances de leurs voyages : les centres de rassemblement furent : Düren, Ludgwigsburg et Limburg. Les prisonniers furent groupés dans de petits locaux, dans des écuries de casernes notamment. Ils étaient autorisés à quitter ces locaux pendant un quart d’heure seulement le matin et le soir, ceci pendant deux semaines. Les tinettes débordaient ; actes de brutalité divers, etc. Pendant le voyage, entassés par groupes de 40 à 80 dans les wagons, quelquefois sans manger pendant 36 heures, pendant 4 à 6 jours, impossibilité de se coucher dans les wagons.
36) Pour terminer, l’homme de confiance français émet les vœux suivants :
Avant l’hiver, renvoyer en Allemagne les prisonniers entrant dans les catégories suivantes :
a) les prisonniers qui ont été envoyés à Rawa Ruska sans aucune raison ;
b) les membres du personnel sanitaire non punis venus à Rawa Ruska seulement pour y accompagner les convois et qui y ont été maintenus ;
c) en raison du climat, renvoyer les Nord-Africains ;
d) les prisonniers évadés avant le 1er avril 1942, date fixée par l’Ober Kommando der Wehrmacht, paraît-il, pour l’envoi à Rawa Ruska ; les cas sont nombreux ;
e) les prisonniers n’ayant qu’une seule évasion, puisque les prisonniers destinés au Frontstalag 325 doivent être des récidivistes.

Nous espérons avoir ainsi répondu à votre demande et nous vous prions d’agréer, Monsieur l Secrétaire Général, l’assurance de notre considération distinguée.
Pour le Comité International de la Croix Rouge
J.-P. Maunoir,
Délégué

La visite des délégués du CICR à Tarnopol en 1943

 

Monsieur le Secrétaire Général
De l’Amicale du Stalag de Représailles 325 ″Ceux de Rawa Ruska”
Section de Provence
Extrait d’une lettre adressée le 22 février 1961, par le Comité International de la Croix-Rouge au Secrétaire général de la Section de Provence de l’Amicale  “Ceux de Rawa Ruska.”

Nous vous communiquons, ci-après, un extrait de rapport du Zweiglager Tarnopol établi lors d’une visite de ce camp par deux délégués du Comité International de la Croix Rouge le 8 février 1943 :
“Les malades que nous avons vus étaient presque tous atteints de grippe et de diarrhée, dues à un refroidissement. En outre, 6 sont convalescents, après avoir contracté le typhus exanthématique. En tout, on a compté 8 cas de cette maladie entre le 1er décembre 1942 et le 15 janvier 1943. Tous venaient du détachement Zloczow, qui serait assez surpeuplé et dont les occupants étaient en contact étroit avec la population de l’endroit sujette d’une façon endémique au typhus exanthématique. Ces malades semblent être soignés au lazaret de Tarnopol dans les conditions les plus défavorables. Les médicaments absolument nécessaires manquent, comme le cardiasol et la coramine, de même les solutions physiologiques de sel.”