Lors de l’arrivée du premier convoi à Rawa-Ruska, le 13 avril 1942, quelle ne fut pas la surprise des arrivants de constater que déjà 10 médecins français juifs les avaient précédés de 4 jours au camp de Rawa-Ruska, envoyés par les Allemands pour en assurer théoriquement le service de santé. Il s’agissait d’officiers français qui avaient été déportés dans ce camp d’Ukraine parce qu’ils étaient juifs, et devaient subir les mêmes traitements que l’ensemble des autres internés, bien qu’ils n’aient pas été passible d’une mesure disciplinaire. Ils n’avaient par ailleurs été dotés d’aucun médicament pour soigner les nombreux malades et blessés du camp et devaient se contenter de donner des conseils, certes précieux, mais dans la plupart des cas, peu efficaces.
Voici quatre exemples des soins prodigués sans médicament et sans instrument :
1° Comment était arrachée une dent sans anesthésie et sans instrument adéquat :
Il était procédé d’abord à un rinçage de bouche avec l’urine du patient, puis, avec une fourchette préalablement déformée, on lui ouvrait la gencive ; enfin, avec un instrument de fortune, la dent était arrachée, même si au cours de l’opération elle se cassait en 2 ou 3 morceaux.
2° Otites, maux d’oreilles ou maux de tête :
Il était appliqué, régulièrement et le plus souvent possible, de la neige, derrière et sur les oreilles afin de provoquer une réaction par le froid… (difficile à croire, mais parfois efficace).
3° – Blessures :
Il était versé sur les blessures l’urine du patient pour cautérisation (Urinothérapie…).
4° – Douleurs lombaires, vertébrales, sciatiques :
Mouvements respiratoires, étirement et manipulations diverses, etc…, etc…
Ces 10 officiers médecins français juifs, pour lesquels les internés malades ont gardé une infinie reconnaissance tant leur dévouement était grand, se nommaient :
Pierre Bader, Joseph Bénichou, Joseph Benzaken, Léopold Berl, Roger Cahen-Pashcyoud, Michel Moscovici, Roger Nathan, Tepper, Max Vassile, Marcel Zara.
Ils furent ensuite répartis dans un certain nombre de sous-camps créés à la suite de l’arrivée de nouveaux convois au camp principal alors surchargé, mais toujours dans les mêmes conditions. Ce premier groupe fut ensuite remplacé par d’autres officiers médecins français, déportés à Rawa Ruska pour les mêmes raisons que les autres internés qui s’y trouvaient à savoir : rebellion, sabotages, récidives d’évasion, etc… et naturellement, pour nombre d’entre eux, parce qu’ils étaient de confession juive. Ce sont les docteurs :
André Aurengo, René Barbot, Sylvain Binn, Jean Catteau, Serge Chambert, Chartres, Francis Cloez, Jacques Dedieu, René Faivre, Fergis, Henri Frappier, Jean Garrigau, Jerôme Guérin, Robert Guiguet, Charles Hervy, Philippe Jagerschmidt, Robert Kany, Lacoste, Henri Lanussé (lire le récit de son évasion), G. Lardy, Oscar Lievain, Gustave Martinache, Painblanc, Louis Prost, Rhodez, Souffron, Seillier, Louis Stervinou, Velluz, Zwahlen.
Il faut souligner le grand mérite et le dévouement sans limites de ces nouveaux médecins qui firent eux aussi tout ce qui était en leur pouvoir et avec les faibles moyens dont ils disposaient pour que survive le plus grand nombre de leurs compagnons de misères.
Il n’est pas douteux que le transfert à Rawa-Ruska de ces médecins officiers français juifs, venus de l’Oflag (camp pour officiers) X C à Colditz, réservé à des « disciplinaires » et à des juifs parcequ’ils étaient juifs, répondait à l’intention diabolique des nazis d’éliminer les indésirables du régime hitlérien.
C’est donc sciemment que résistants de toutes sortes, saboteurs, récidivistes de l’évasion, et Juifs ont été déplacés dans cette zone d’extermination où il serait le plus facile de les faire disparaître sous un prétexte quelconque, ou sans prétexte du tout, lors de la liquidation des derniers ghettos.