Qui sont ces prisonniers de guerre (PG) ?
Des PG de la bataille de France
Comme tous les PG, ceux de Rawa Ruska ont été mobilisés en 1939. Certains avaient même été mobilisés dès 1936. Ils ont participé à la très dure et très meurtrière bataille de France de 1940 qui a fait environ 100 000 morts en seulement 2 mois. Les troupes françaises ont cessé le combat en juin 1940 submergées par un ennemi infiniment plus puissant en matériel mécanique et aérien.
Deux millions des combattants de la bataille de France furent faits prisonniers. Ils étaient exténués, démoralisés, accablés par la défaite. La plupart d’entre eux ont été faits prisonniers après l’armistice. C’était donc une violation des conventions internationales, y compris des conditions d’armistice édictées par les nazis.
Les PG de Rawa Ruska étaient en très grande majorité de nationalité française. Certains étaient cependant de nationalité belge et notamment des wallons.
L’envoi des PG en Allemagne
Les semaines qui suivirent la capture furent terribles. Il y eut de longues marches épuisantes de 40 à 50 km par jour. Ces marches se faisaient sans ravitaillement pendant plusieurs jours. Les prisonniers dormaient la nuit dans des pâturages boueux, dans le froid et complètement trempés les jours de pluie ou d’orages. Les coups de crosses et de baïonnettes étaient réguliers. S’ils tentaient de s’évader ou étaient dans l’impossibilité physique de suivre la colonne, ils étaient exécutés.
Ces longues marches, souvent organisées jusqu’à la frontière belge ou alsacienne furent suivies du transport vers l’Allemagne par chemin de fer. Les prisonniers étaient entassés dans des wagons à bestiaux, dans des conditions épouvantables, inhumaines, avec une nourriture toujours insuffisante. On comptait environ 60 à 80 prisonniers par wagon.
Ces transferts, bien que très durs, ne sont cependant pas à comparer avec ceux que connurent plus tard les déportés civils partis de France et les militaires français et belges déportés à Rawa-Ruska.
Les PG étaient rassemblés dans des camps pour triage (stalag). L’humiliation fut la règle (immatriculation avec photo d’identité faisant apparaître sur une ardoise le numéro matricule, le crâne rasé, tels des bagnards). Ils furent envoyés dans des camps de travail, gardés militairement, dénommés « kommandos » : kommandos d’usines, de forêts, de construction en béton, de routes, de mines de charbon et de sel, de fermes d’état, de carrières, de voie ferrée, etc.
C’est alors que nombre de ces militaires d’active et de réserve ont répondu spontanément à un devoir de résistance correspondant à l’esprit de l’appel du Général de Gaulle du 28 juin 1940. « Tous les officiers, soldats, marins, aviateurs français où qu’ils se trouvent, ont le devoir de résister à l’ennemi ». Ils décidèrent, chacun selon le cas, de refuser le travail, de procéder à des sabotages de diverses natures (sabotage de machines, travail mal exécuté), Ils résistaient par esprit d’insubordination et par l’évasion. Ils reprenaient le combat sous une forme ou sous une autre.
Pour punir et si possible dompter ces résistants à l’intérieur même de leur pays, les Allemands utilisèrent les moyens qui leur semblaient les plus appropriés. C’étaient l’affectation à des kommandos disciplinaires ou à des compagnies disciplinaires (Straf-Kompanie) extrêmement sévères. Cela pouvait aller jusqu’à la détention, pour les récidivistes de sabotages ou d’évasions, dans les prisons civiles centrales des villes les plus proches ou dans les mêmes cellules que les condamnés de droit commun. Les tortures et les sévices tenaient lieu d’interrogatoire.
Déportation des irréductibles
Mais rien n’y fit. Alors, pour en finir avec ces irréductibles, ces « terroristes », ces « gaullistes », ces « communistes », ils décidèrent, en mars 1942, de les déporter à nouveau mais cette fois dans le bien nommé « Triangle de la Mort » en Ukraine occupée par les troupes allemandes.
Le convoi, dessin de R. Lagrue
Conditions de transfert
Souvenez-vous… ceux du premier convoi – le 10 avril – notre convoi à l’arrêt en gare de Dresde… lorsqu’un train vint se ranger tout contre nous sur une voie parallèle… Il contenait des hommes en tenue « Feldgrau » montant sur le front… et stupéfaction !! Sur leurs casques et sur leurs manches… l’écusson des trois couleurs de la France… c’était la L.V.F. (Légion des Volontaires Français), la division Charlemagne… invectives… insultes… et d’un de nos wagons jaillit notre « Marseillaise » reprise en chœur par l’ensemble du convoi. Dans ce vacarme, l’ennemi fit démarrer rapidement le train de la L.V.F.
Roger Maire
Après le premier convoi de deux mille hommes, arrivé le 13 avril 1942, d’autres suivirent rapidement, le « voyage » s’effectuant dans les mêmes conditions : 6 ou 7 jours et nuits (ou plus) dans des wagons à bestiaux verrouillés, sans paille, sans couverture, avec 80 personnes (quelquefois plus) par wagon. (Au cours d’un transfert, quelques hommes avaient tenté de s’évader, les occupants du wagon furent répartis dans les autres wagons, après avoir été frappés et brutalisés, il y eut alors plus de 100 hommes dans certains wagons).
En cours de transfert, il n’était distribué qu’une ou deux soupes innommables, d’un volume d’environ un quart à un demi-litre, servies dans des récipients de fortune (vieilles boîtes de conserve rouillées) fournies par les convoyeurs à qui il fallait les rendre et que les hommes se repassaient entre eux car ils étaient en nombre insuffisant.
Les hommes, ne pouvant descendre, étaient réduits à se soulager sur place.
Il est inutile de préciser que ces hommes arrivaient à Rawa-Ruska dans le plus complet dénuement, sales, hagards, dépenaillés, affamés, abrutis… Beaucoup, en raison du froid, avaient contracté bronchites, pleurésies, etc…
Le débarquement se faisait au milieu des hurlements des convoyeurs, baïonnette au canon, et de leurs chiens-loups.
Lorsqu’un convoi arrivait d’Allemagne, ses effectifs étaient répartis après une période parfois très courte, entre les différents kommandos.